Du couloir au placard

Je vais perdre mon emploi ?

On est venu me le dire en face. On a fini par m'expliquer. On pense que je ne peux pas grandir professionnellement. On a été gentil avec moi pendant trop longtemps.

Je suis écœuré. Depuis le temps que j'arpente ce couloir, j'ai maintes fois questionné mes collègues. Ils ne m'ont jamais signalé que j'étais trop.

On ne me reproche pas d'être trop vieux, non ! On ne dit pas que je suis dépassé par les nouvelles technologies, non !

Je ne comprends pas pourquoi je ne peux plus.

On ne pense pas que je ne peux plus faire l'affaire. On pense qu'on peut difficilement faire des affaires avec moi dans ce monde disrupté.

Je vais perdre tout ?

On me suggère en toute amitié professionnelle de me recycler. Les chaînes de l'entreprise ont considérablement évolué. De nouvelles compétences sont requises pour affronter la concurrence très très très forte de demain (c'est aujourd'hui). Peut-être qu'avec une formation vers une reconversion prometteuse ?

Cette situation me déstabilise.

On a effectivement étudié la situation avec soin et bienveillance. A l'évidence je ne peux pas grandir professionnellement. C'est pourquoi la séparation est nécessaire.

Cette situation me révulse.

On me comprend, c'est pourquoi on me propose de m'affecter à un autre couloir le temps pour moi de dégager vers une reconversion prometteuse. Tous les placards étant actuellement occupés, on me demande de ne pas leur compliquer leur lourde tâche difficile ! La situation n'est déjà pas simple pour eux, sachant qu'ils ont dû déjà prendre des décisions désagréables pour beaucoup d'entre nous. Parce qu'avec tous ces gens qui se jettent par la fenêtre, ça ne peut plus durer !

Un jour, au croisement de nos couloirs, un collègue m'a expliqué leur rhétorique :  nous prendre par l'émotion (s’inspirer de la vraie vie comme on dit aujourd’hui) et raconter l'histoire à voix très très très haute pour éviter la révolte. On va me remplacer ? Je vais tout perdre mon emploi ?

On s'énerve que non ! pas du tout ! que je n'ai rien compris que je suis de mauvaise foi  ! devant leur proposition. On a été gentil avec moi pendant longtemps, ça ne se peut plus !

avant le silencieux bruit de tiroirs

Officieusement le travail
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Officiellement le travail